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Analyse 2017-33

Fin novembre, la toile s’emballe. Et pour cause, quelqu’un s’en est pris au saint patron des enfants et des écoliers. En effet, c’est un concours proposé par Solidaris, mutualité socialiste, qui a déclenché le « buzz ».  

À l’approche du six décembre, date de la Saint-Nicolas (et non de la « Nicolas », ni même de la « Monsieur Nicolas »), Solidaris lance un concours de dessin qui ne passe pas inaperçu. Loin de là. Celui-ci s’adresse aux enfants, âgés entre trois et dix ans, à qui il est demandé de réaliser le coloriage d’une image de circonstance… qui en a laissé pantois plus d’un.

Un monsieur, que l’on devine d’un certain âge au vu de sa longue barbe blanche, trône sur un petit canasson. Il arbore un long manteau sur sa soutane et tout sourire, sous une pluie de confettis (ou de flocons de neige), il nous adresse un salut de la main. Serait-ce saint Nicolas, comme le laisse supposer le « Joyeuse fête de Saint-Nicolas ! » inscrit en majuscule et en gras à la gauche de l’illustration ? [1]

Si l’on s’en tient à cette description, l’on pourrait éventuellement répondre par l’affirmative. Mais voilà, le couvre-chef de ce vieil homme n’a rien de la mitre dont ne se sépare jamais saint Nicolas. Effectivement, même si la forme de son chapeau s’en rapproche, le gros point placé en son centre fait tache.

Pourquoi avoir fait fusionner la mitre de saint Nicolas avec le drapeau japonais ?

Une explication qui laisse perplexe

Les médias se sont empressés de relayer l’explication fournie par Solidaris et c’est ainsi que tout le monde a pu découvrir que l’intention de la mutualité socialiste était de « n’exclure aucun enfant ». [2]

Le porte-parole de Solidaris, contacté par les journalistes de RTL, a argumenté en déclarant que la Saint-Nicolas « n’est plus la fête religieuse d’autrefois et des enfants, laïques ou d’une autre religion, peuvent légitimement y être associés ». [3]

Soit dit en passant, n’est-ce pas contradictoire que de supprimer la croix de la tenue du grand saint tout en conservant l’appellation « Saint-Nicolas » qui fait indiscutablement référence à un aspect religieux du personnage ? Il semblerait bien qu’un manque de cohérence dans le démarche soit observé…

Poussée jusqu’au bout, celle-ci aurait probablement ouvert les yeux des instigateurs du projet « nichoir » (ce chapeau ne vous fait-il pas penser à une maisonnette pour oiseaux directement posée sur la tête de saint Nicolas ?) quant à l’ânerie de leur raisonnement (petit clin d’œil à Bourricot qui n’a, lui non plus, pas été épargné par cette revisite de saint Nicolas).

La destruction de notre patrimoine, une éventualité ?

Pour dissocier le patron des écoliers de toutes dimensions religieuses, la suppression de la croix de sa mitre aurait dû être suivie du retrait… de ses vêtements. Maintenir son habit d’évêque et son « statut » de saint ne risque-t-il pas d’exclure des enfants, si l’on s’en tient à la logique mise en avant par Solidaris ? En plus de customiser la mitre du monsieur, il aurait aussi fallu lui faire porter un pantalon et le rebaptiser « Nicolas ».

Oui mais alors, proposer un concours de coloriage d’image mettant en scène un senior à cheval vêtu d’un jeans et d’un blouson – sans oublier de lui faire porter le chapeau au motif « cercle » dont Solidaris a déjà dévoilé le design – accompagné d’un « Joyeuse fête de Nicolas ! » n’aurait strictement aucun sens. Qui serait ce Nicolas ? Et pourquoi aurions-nous envie de le fêter ?

En transformant le célèbre saint Nicolas en ce « monsieur tout le monde » laïcisé, une bonne majorité des petits belges seraient indéniablement dépossédés d’une précieuse tradition. Certes, tous les enfants seraient inclus au sein d’une nouvelle « fête » mais est-ce leur souhait, ou est-ce celui de Solidaris ? Ne préfèreraient-ils pas continuer à célébrer SAINT Nicolas ? Il y a fort à parier que si. En outre, est-ce encore utile de préciser que tout le monde est évidemment libre de choisir de participer, ou non, à ces réjouissances ? La croix n’interdit pas aux personnes laïques, par exemple, d’elles aussi prendre part à la fête. Cette dernière n’est en rien un symbole d’exclusion. Mais n’empêche que saint Nicolas est ce qu’il est : un évêque. Quelle absurdité que de lutter contre une évidence ; contre un fait établi…

Saint Nicolas, indissociable de la religion

Serait-il un individu fictif ? Loin de là. Saint Nicolas est – et n’en déplaise à la mutualité socialiste – un personnage religieux. C’est un fait. Né aux alentours de 270 en Asie mineure, il devint évêque vers l’an 300. L’année de sa mort nous est, quant à elle, inconnue mais le jour de celle-ci, nous le connaissons tous depuis notre plus tendre enfance : le fameux six décembre. [4] Une des dates les plus attendues de l’année par les écoliers…

C’est au VIIIe siècle que la notoriété de saint Nicolas, déjà bien ancrée à Constantinople et dans l'Église d'Orient depuis des siècles, se développe enfin en Occident. [5]

Il faut savoir que c’est l’interprétation de récits qui a fait de lui le patron des enfants et qui a donné lieu à la légende des trois petits enfants découpés en morceaux par un boucher, puis sauvés par le saint. Remarquons que la protection de saint Nicolas concerne aussi les marins, les marchands, les prisonniers, les filles à marier, etc. [6] La liste est loin de se cantonner uniquement aux enfants.

Quoiqu’il en soit, depuis le XVIIe siècle, le jour de la saint Nicolas se fête en famille ; et société de consommation oblige, depuis la seconde moitié du XXe siècle, les festivités se sont vues agrémenter d’une profusion de cadeaux. [7]

La Saint-Nicolas n’est donc pas « tombée du ciel ». Nier l’histoire qui lui est liée effacerait le sens de cette tradition qui se perpétue de génération en génération depuis plusieurs siècles déjà. Saint Nicolas en habit d’évêque – où le symbole de la croix a légitimement sa place – ses gants d’un blanc immaculé et ses doigts ornés de bagues imposantes, son impressionnante mitre et sa crosse dorée, ses souliers bouclés d’un autre temps ; c’est ce look dont l’on se remémore avec nostalgie quand l’on évoque le grand saint et c’est vêtu de la sorte que l’on souhaite qu’il continue de faire rêver les générations à venir.

Déferlement de commentaires

Il semblerait que les belges aient été touchés en plein cœur par cette métamorphose de la croix en un cercle… vide de sens. Un détail loin d’être anodin qui a fait ressurgir le souvenir de la controverse du père fouettard noir ou encore, celle du traditionnel sapin de Noël remplacé par une construction cubique sur la Grand-Place de Bruxelles, sans parler de la nouvelle dénomination : « Plaisirs d’hivers », que revêtent pas mal de marchés de Noël…  

Alors si maintenant l’on s’en prend à la mitre de saint Nicolas, nous pouvons dire que c’est le pompon. Ces tentatives de laïcisation réalisées dans un souci d’inclusion ont incontestablement l’effet inverse ; ce qui n’est pas sans dangers. Sur les réseaux sociaux et les médias en ligne, bon nombre de commentaires de personnes offusquées par la nouvelle coiffe de saint Nicolas n’épargnent pas les « étrangers ». Comme si c’étaient les personnes de confessions différentes qui étaient à la base de cette mauvaise idée… De plus, les amalgames vont bon train.

Nombreuses sont les personnes qui se sentent touchées, voire attaquées par cette volonté de démantèlement de nos us et coutumes et voient, de ce fait, les personnes d’origines étrangères comme des destructeurs de traditions. Dès lors, vues d’un mauvais œil par certains, il n’est pas évident pour ces personnes, dans ces circonstances de se sentir inclues…

Au lieu d’inclure, ce gros zéro susciterait presque de la haine et semble renforcer, à n’en pas douter, bon nombre de préjugés. Ainsi, il importe de rappeler que c’est Solidaris qui a jeté de l’huile sur le feu et non pas les personnes laïques ni même celles qui appartiennent à « une autre religion ».

Le mot de la fin

Heureusement, tant que la censure ne s’en prendra pas aux comptines enfantines chantées en boucle à l’approche du six décembre, nous ne risquons pas d’oublier que saint Nicolas est bel et bien… un saint. [8]

 

 

 

 

 

 

 

 


[1] Pour voir le dessin : http://solidaris-concours.be/dessin_2017.pdf
[2] Ce sont les deux filles d'Olivier qui l'ont remarqué : Solidaris a retiré la croix sur le chapeau de Saint-Nicolas. In : https://www.rtl.be/. Consulté le 30 novembre 2017.
[3] Ibid.
[4] Saint Nicolas, de l'histoire à la légende (Françoise Lempereur, Novembre 2009). In : http://culture.uliege.be/. Consulté le 1er décembre 2017.
[5] Ibid.
[6] Ibid.
[7] Ibid.
[8] Analyse rédigée par Audrey Dessy.

 

 

 

 

 

 

 

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