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Analyse 2017-26

En Belgique francophone, un parent sur vingt est touché par le burn-out parental [1] et, selon la Ligue des Familles, un parent sur cinq risque d’en souffrir [2]. Ces chiffres sont alarmants et ne laissent pas « Couples et Familles » indifférent. C’est pourquoi nous avons voulu nous pencher sur ce phénomène actuel et essayer de comprendre en quoi consistent ces souffrances, et quelles sont les pistes à mettre en place pour lutter contre.

Le burn-out parental

« Couples et Familles » s’est déjà penché sur la question du « burn-out au boulot et à la maison » dans un de ses dossiers paru en 2014. Dans ce dossier, plusieurs réflexions sont présentées sur le contexte dans lequel de telles souffrances apparaissent ainsi que sur les conséquences familiales que celles-ci engendrent. Quelques récits de vie sont également rapportés avec leurs dénouements plus ou moins positifs et différentes pistes de solutions sont proposées afin de faire face à de telles situations.

Si « Couples et Familles » a souhaité poursuivre cette réflexion au sujet du burn-out parental, c’est que les chiffres en la matière ne cessent d’augmenter et semblent démontrer un réel souci familial et sociétal, préoccupation première pour notre ASBL. Avant d’aller plus loin dans notre réflexion, il nous paraît indispensable de définir le « burn-out parental ».

On parle du syndrome de burn-out parental lorsque les parents sont exposés à un stress chronique propre à l’éducation qu’ils apportent à leurs enfants. Bien que les pères puissent être touchés par cette souffrance, ce sont surtout les mamans qui sont concernées par le burn-out parental [3]. Les manifestations du burn-out parental s’expriment à travers au moins deux des trois symptômes ci-dessous (épuisement, distanciation émotionnelle, perte d’efficacité parentale) [4].

L’épuisement

La plupart du temps, c’est l’épuisement qui apparait comme premier symptôme du burn-out parental. Les chiffres le confirment, la situation est inquiétante ! 19% des parents interrogés par la Ligue des familles affirment être souvent épuisés, 3% le sont de manière permanente. Cela fait près d’un quart des parents en situation d’épuisement intense [5]. Selon une autre étude menée par Isabelle Roskam, docteure en psychologie et professeur à l’UCL, 73% de parents (79% chez les femmes) se disent fatigués et 61% stressés (66% chez les mères) [6]. De plus, selon le dernier « baromètre annuel des parents », six parents sur dix rencontrent des difficultés à concilier leur travail et leur vie de famille [7].

Cet épuisement se manifeste à différents niveaux : émotionnel (« je n’en peux plus »), cognitif (« je ne parviens plus à penser ») et/ ou physique (« je me sens fatigué(e) ») [8]. En résumé, « La simple pensée de devoir s’occuper de son enfant est déjà épuisante en tant que telle » [9].

La distanciation émotionnelle

Certains parents installent progressivement une distance affective avec leurs enfants. « Ils assument les routines, ils font à manger, ils vont les chercher à l’école…mais pas plus » [10]. Ils ne parviennent plus à accorder autant d’attention au vécu de leur enfant. Leur relation est ébranlée.

La perte d’efficacité parentale

Comparativement au parent qu’ils étaient avant, à savoir « des plus efficaces », un réel contraste apparait. Leur comportement et leur relation à l’égard de leur enfant a changé. Le parent ne se perçoit plus comme un bon parent, ce qui a pour conséquence d’amener ce parent à ne plus se sentir épanoui dans son rôle de parent [11]. Qui plus est, certains parents deviennent même négligents et maltraitants sans le vouloir envers leurs enfants.

Des parents perfectionnistes

À ce jour, avoir un enfant est devenu un véritable projet de vie. Pas question d’échouer dans sa mission de parent ! « Communique posément », « Ne t’énerve pas », « Sois heureux d’être parent en toute circonstance », « Sois vigilant aux premiers mois d’existence de ton enfant, c’est là que tout se joue ! », « Ne le fais pas attendre après l’école », « Veille à ce qu’il mange trois portions de fruits et légumes par jour »… Les injonctions que se mettent les parents sont de plus en plus élevées.

Selon Moira Mikolajczack et Isabelle Roskam, docteures en sciences psychologiques, il n’y a pas une cause précise au développement du burn-out parental. Par contre, il existe des facteurs de risques dont le perfectionnisme fait partie. En effet, les parents à la personnalité « perfectionniste » se fixent un idéal parental très élevé à atteindre. Ces parents se surinvestissent dans l’éducation de leurs enfants, quitte à s’oublier eux-mêmes. Cependant, il est parfois difficile de tenir le coup avec autant d’exigences à porter sur ses épaules, et cela d’autant plus lorsque viennent s’ajouter d’autres situations de stress. La situation sociodémographique dans laquelle la famille vit (revenus, logement…), la manière dont se déroule la vie au sein de son couple (soutien conjugal, satisfaction conjugale…), la relation avec son enfant, les événements de vie (décès…) sont autant de facteurs de stress qui peuvent, une fois accumulés, empêcher les parents de faire face à l’adversité [12].

Un idéal alimenté par différentes lectures…

Les études effectuées par l’équipe de la docteure Moira Mikolajczack, démontrent que les parents les plus sujets au burn-out parental sont ceux ayant effectué le plus d’études, toujours en quête de perfection [13]. On peut imaginer combien il a été aisé pour eux d’alimenter cette image inaccessible de la mère parfaite ou du père parfait en se munissant de littérature en tout genre. Les sujets sont variés : la bonne nutrition, le bien-être, les activités psychomotrices à effectuer pour stimuler son enfant, la parentalité positive…

En outre, avec la vulgarisation de la psychologie et des neurosciences, les parents sont encore plus vigilants au développement et aux besoins de leurs enfants…Il faut les rendre parfaitement heureux et épanouis… Surtout ne le traumatisons pas ! « Quel dégât ai-je bien pu créer à lui avoir dit « NON » sans lui avoir expliqué pourquoi ? À m’être emporté au lieu de lui parler calmement ? ». Toutes ces questions, bien qu’intéressantes, créent tellement de pression et de culpabilité quand elles sont excessives !

Stop à l’auto-tyrannie du parent parfait !

Nombreux sont les parents qui cherchent à faire de leur mieux pour leurs enfants et c’est « tant mieux ». Néanmoins, chercher à faire de son mieux, ce n’est pas chercher à être le meilleur parent. Pour « Couples et Familles », cette distinction est élémentaire ! C’est dans cette volonté d’idéal que la littérature est détournée de manière dogmatique. Le risque est de croire que tout ce qui est écrit est à exécuter à la lettre et qu’il « suffit » de modifier son comportement, ses émotions ou encore ses pensées pour être ce parent « parfait ». Mais dans une telle conception, qu’en est-il de l’être humain ? De sa spontanéité, de ses limites, de ses imperfections ? Il se résume à des améliorations que l’on peut apporter à une nouvelle version de nous-même, tel un programme informatique. Bienvenue « Parentalité 2.0. ». Non !

Pour vivre en harmonie, n’est-il pas préférable de vivre avec qui l’on est ? D’utiliser ce qui est écrit avec parcimonie ou du moins de l’utiliser de sorte que nous nous sentions soutenus dans ce rôle si compliqué qu’est celui de parent ? Et si nous prenions ce qui nous paraît fondamental et lâchions ce qui est accessoire ? Ne serait-ce pas un peu plus confortable ?

Pour « Couples et Familles », il est important de ne pas réduire les interactions humaines à une logique binaire, de ne pas résumer la parentalité à deux options possibles : « parfaite ou imparfaite », « réussie – râtée », « bonne-mauvaise ». Laissons-nous aller à la complexité, à la diversité, à l’humanité de notre être.

…mais aussi à une société en quête de performance

La personnalité perfectionniste n’est pas la seule à être en cause dans le développement de l’image du parent parfait, efficace et performant. Des exigences extérieures à soi entretiennent cette représentation de la parentalité.

Rien que le contexte dans lequel on vit peut être vécu comme une pression permanente à ne pas faillir. Ces dernières années, la notion de parentalité a fortement évolué. On accorde de plus en plus d’importance au bien-être de l’enfant qui est perçu comme un capital d’avenir pour la société. À présent, ce petit être a des droits et les parents sont contraints de répondre à des devoirs sans quoi s’en suivent diverses sanctions. Les parents vivent au quotidien sous la surveillance d’une instance supérieure [14].

À cela s’ajoutent les pressions exercées par les médias mais aussi par l’utilisation des réseaux sociaux. On ne compte plus le nombre de publicités et émissions télévisées qui font l’éloge de la parentalité ou encore le nombre de posts Facebook relatant les exploits réalisés avec son enfant. Bienvenue dans l’ère de la compétition parentale en ligne…

Même les pairs bien attentionnés accablent les parents d’informations. Chacun y va de son petit conseil. Et nombreuses sont les mères déboussolées par cette quantité colossale de recommandations. De plus, il n’est pas rare de voir la personne donneuse de conseil s’indigner lorsque celui-ci n’est pas suivi. Juste ce qu’il faut pour en rajouter une couche…

La société demande toujours plus aux parents en leur donnant très peu de moyens. Les parents doivent être des modèles pour leurs enfants ! Ils doivent pouvoir être parents, époux (ses), employé(e)s, se développer personnellement…Mais comment vivre tous ces rôles avec le peu de temps dont les parents bénéficient ? En effet, la plupart des parents travaillent à temps plein, que ce soit par choix ou nécessité, et toute une seconde vie commence après avoir presté leur quota d’heures de travail hebdomadaires. En outre, chaque famille ne bénéficie pas des mêmes ressources pour subvenir à ses besoins, et chacune d’entre elles ne requiert pas des mêmes besoins pour vivre dignement. Les situations familiales stressantes sont variées : perdre son emploi, vivre dans la précarité, être parent isolé, s’occuper du handicap de son enfant au quotidien…

Le burn-out parental, un symptôme familial d’une société en souffrance ?

Pour « Couples et Familles », la question se pose : quelle est la part de responsabilité de la société actuelle dans le développement d’une telle maladie ? Cette souffrance reflète-t-elle les besoins non assouvis de notre civilisation ?

À partir du moment où autant de familles sont touchées par les mêmes symptômes, il nous parait impensable de la reléguer uniquement à quelque chose de l’ordre du « privé ». Ce phénomène est plus que familial, il est un enjeu sociétal !

Ce symptôme qu’est le burn-out parental vient pointer du doigt notre manque de solidarité à l’égard des familles en souffrance ou des familles les plus démunies et à risque. Mais aussi notre indulgence et bienveillance à l’égard de chacune d’entre elles. Les familles actuelles ont plus que jamais besoin de soutien de la société.

Continuer à développer du soutien à la parentalité

Pour « Couples et Familles », trois modes d’interventions peuvent prévenir les risques de développer un burn-out parental.

D’une part, personnelle. Les parents qui se sentent mis sous pression par leurs propres bonnes intentions peuvent se faire aider individuellement pour apprendre à modifier leur mode de vie et apprendre à lâcher prise. Par exemple, les docteures Moira Mikolajczak et Isabelle Roskam ont développé avec leur équipe une application gratuite, le « Dr mood » [15] qui permet aux parents d’évaluer où ils en sont dans leur propre risque de burn-out parental.

D’autre part, collectif. Partager un moment en groupe au sein du milieu associatif peut permettre aux parents de se rencontrer et de prendre distance avec leurs propres exigences. Lors de ces rencontres, ils peuvent échanger sur différents sujets relatifs à l’éducation de leurs enfants, se sentir soutenus par d’autres parents qui vivent les mêmes difficultés qu’eux et quitter ce sentiment de solitude dans lequel ils se trouvent généralement avant de tomber en burn-out parental. Différentes associations mettent en place des lieux de rencontres, par exemple : « Couples et Familles », « Le Pré en Bulles », l’AMO « Le Cercle » à Ciney, l’école des parents et des éducateurs…

Et ensuite, sociétale. Il est de notre ressort en tant que citoyen de mobiliser les politiques afin de favoriser un équilibre entre vie professionnelle et vie familiale. « Couples et Familles » soutient plusieurs réflexions à ce sujet :

Nous partageons l’avis de la Ligue des Familles selon lequel il faut renforcer « des possibilités de retrait du marché du travail comme un congé parental mieux rémunéré et plus flexible, un congé de paternité obligatoire ou bien encore un congé pour les aidants plus attractif et moins pénalisant » [16]. Mais aussi, offrir « des milieux d’accueil publics accessibles à tous les parents …avec une flexibilité au niveau des horaires ainsi qu’un coût relativement faible ».

Il nous parait également important de veiller au soutien des parents les plus fragilisés à savoir, les parents esseulés, en charge d’enfant souffrant de handicap ou en situation précaire. Leur apporter une aide physique pour vaincre cette solitude et les aider à effectuer les tâches du quotidien pourrait les soulager de ce stress chronique, facteur de risques effectif au burn-out parental.

Finalement, un soutien financier, par exemple par le biais d’une allocation universelle, permettrait à chaque famille de répartir son temps de travail selon sa convenance [17].[18]

 

 

 

 

 

 

 

 


 

[1] « Un parent sur 20 touché par le burn-out parental » In https://www.rtbf.be/
[2] La ligue des familles : « le burn-out prend de l’ampleur chez les parents » In http://www.lesoir.be/
[3] « Le burn-out parental, maladie de notre civilisation ? » in http://www.ufapec.be/
[4] « Le burn-out parental c’est quoi ? » In https://www.burnoutparental.com/
[5] La ligue des familles : « le burn-out prend de l’ampleur chez les parents » In http://www.lesoir.be/
[6] « Près d’un quart des parents à la limite du burn out ! » In https://ligue-enseignement.be/
[7] « En 2017 ? Je rêve de prendre plus le temps de vivre ! » In https://www.csc-en-ligne.be/
[8] « Le burn-out parental c’est quoi ? » In https://www.burnoutparental.com/
[9] « Comprendre le burn out parental : Quand la grande aventure tourne au désastre » In http://podcast.uclouvain.be/
[10] « Comprendre le burn out parental : Quand la grande aventure tourne au désastre » In http://podcast.uclouvain.be/
[11] « Comprendre le burn out parental : Quand la grande aventure tourne au désastre » In http://podcast.uclouvain.be/
[12] « Comprendre le burn out parental : Quand la grande aventure tourne au désastre » In http://podcast.uclouvain.be/
[13] « Le burn-out parental, maladie de notre civilisation ? » in http://www.ufapec.be/
[14] Pour aller plus loin : « Les philosophies du soutien à la parentalité » in « Quels soutiens à la parentalité », dossier 120 les nouvelles feuilles familiales.
[15] Pour avoir accès à l’application : https://www.dr-mood.com/
[16] « Le burn-out parental : un enjeu social et politique » in https://www.laligue.be/
[17] « L’allocation universelle, un plus pour la famille ? » In http://www.couplesfamilles.be/
[18] Analyse rédigée par Aurelie Degoedt.

 

 

 

 

 

 

 

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