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Analyse 2017-23

Après des mois de préparatifs, entourés de leurs amis et de leur famille respective, c’est sûrement dans un cadre enchanteur, décoré avec le plus grand soin, qu’ils se sont enfin dit oui. Coût de l’opération : probablement plusieurs milliers d’euros. Après tout, l’adage ne dit-il pas qu’on ne se marie qu’une fois ? Autant donc y mettre les formes : du faire-part sophistiqué aux cours de danse hors de prix pour l’ouverture du bal en passant éventuellement par les services d’un « wedding planner », rien n’est trop beau pour ce jour spécial qui se doit d’être immortalisé sous un déferlement de flashs dont il résultera LA photo.

Celle où les mariés semblent plus heureux qu’ils ne l’ont jamais été, celle à imprimer sur le carton de remerciements à envoyer à tous les proches ; bref, celle qui appellera un maximum de « like » sur les réseaux sociaux. Le mariage semble en effet susciter moult réactions de la part des internautes : pouces levés, cœurs en veux-tu en voilà, commentaires, etc. C’est un fait, la photographie qui symbolise une union ne laisse pas indifférent. Tout comme celle qui illustre le démantèlement de celle-ci.

Oui, vous avez bien lu : des (ex)couples n’hésitent pas à poser côte à côte – tout sourire, précisons-le – en compagnie de leurs papiers du divorce pour ensuite partager ce moment sur la toile.

Selfie du divorce 

Accompagnée du hashtag divorceselfie, la « photo souvenir du divorce » est une pratique qui n’est pas si neuve. Apparu depuis quelques années déjà, le divorce selfie aura néanmoins attendu 2017 pour faire parler de lui dans les médias (qui le qualifient même parfois de « véritable phénomène de société » [1]).

Néanmoins, après un passage sur Instagram pour voir ce qu’il en est, il semblerait que certains articles de presse aient exagéré l’ampleur de cette « mode », qui peut-être ne sera que passagère.

Quoiqu’il en soit, comme le phénomène existe (même si pas – encore – dans des proportions astronomiques) et comme il touche de plein fouet l’objet conjugal voire familial, il nous semble que Couples et Familles ne peut ne pas en parler.

Voir le bon côté 

Chose assez déconcertante, selon Couples et Familles, la plupart des articles en ligne qui abordent le sujet mettent en évidence le « côté positif » de celui-ci. « Le selfie divorce : la tendance qui dédramatise les ruptures » [2] titre même le site Flair.be où il est expliqué que ces clichés renvoient à une façon de « se dire au revoir une bonne fois tout en gardant le meilleur de ce qui a été vécu ensemble ». [3] En outre, il est également souligné que ces photos sont souvent accompagnées de quelques lignes où l’on ne retrouve pas une once de haine ou de colère, mais plutôt slogan humoristique ou même, remerciements pour les bons souvenirs partagés. [4] Le site lesoir.be renchérit en affirmant que « l’idée n’est donc pas tant de célébrer une rupture dans la bonne humeur, mais davantage d’expliquer à ses proches une rupture, sans entrer dans les détails, ni créer de malentendus sur les réseaux sociaux. » [5]

Les réseaux sociaux justement, parlons-en. Leur immixtion dans notre quotidien n’épargne aucun aspect de notre vie ; et surtout pas ce qui relève de la vie privée. C’est ainsi que les ruptures, déjà difficiles à vivre en temps normal, peuvent encore l’être bien davantage depuis que l’homme est indissociable de son smartphone. En plus de sa vie réelle, l’homme de 2017 est aussi doté d’une vie virtuelle (qui peut même parfois prendre le pas sur la première). Dès lors, une fois une rupture proclamée, il convient aussi que la face virtuelle de la vie des individus se conforme à cette nouvelle situation. Modification de la situation amoureuse, c’est un fait ; mais peut-être aussi suppression de photos ou autres traces de la relation sur le « mur » de l’intéressé. Bref, tout un programme. De plus, les réseaux sociaux peuvent aussi constituer une fenêtre sur la vie de l’ex-personne aimée… Dans de telles conditions, difficile de tourner la page. Sans parler du potentiel blessant de tout ce qui peut y être entraperçu : nouvelle relation amoureuse, etc. Et ce n’est pas tout, les réseaux sociaux peuvent aussi carrément être le vecteur choisi pour rompre. Environ un tiers des personnes interrogées pour une étude sur le sujet réalisée par Lab42 s’y sont déjà essayées... [6]

Ainsi, les selfies du divorce tenteraient-ils de faire cohabiter pacifiquement la difficile épreuve d’une rupture avec notre omniprésence sur les réseaux sociaux ? Veut-on nous faire croire à une sorte de « happy end » en somme ? Même si tel est le cas, l’exposer – voire la revendiquer – est-il judicieux ? Doit-on, comme nous le conseille un article du journal du buzz, nous focaliser sur « la tendresse et l’humour que nous partagent ces clichés » [7] ? Pas sûr… En tout cas, pour Couples et Familles, une réflexion sur le sujet s’impose.

Le divorce : au cœur d’un paradoxe

Divorcer équivaut incontestablement à rompre ; mais toute rupture n’implique pas obligatoirement un divorce. Effectivement, bon nombre de couples décident de ne pas s’unir par un mariage (ou ne le sont pas encore). Si ceux-ci viennent à opter pour une rupture, il ne sera donc nullement question de divorce, même si on ne peut nier que l’épreuve pourra parfois être difficile à surmonter.

Un divorce marque la fin d’un mariage ; symbole d’une promesse solennelle d’amour éternel, de fidélité, d’un engagement à faire face aux obstacles côte à côte. Ne dit-on pas : « jusqu’à ce que la mort vous sépare ? » Les (futurs) époux ne doivent-ils pas jurer ? Dès lors, les dés ne sont-ils pas jetés ?

Et bien non, la loi a prévu une échappatoire. Pour Couples et Familles, cette porte de sortie a effectivement lieu d’être ; mais elle ne devrait être empruntée que lors de circonstances graves, comme dans le cas où l’une des parties aurait bafoué l’une de ses promesses par exemple.

Qui plus est, remarquons que « promettre » ne devrait pas se faire à la légère. Pourtant, il semblerait que pour certains, il ne s’agisse que de mots en l’air… 

Les statistiques parlent d’elles-mêmes : un peu plus de 40 000 mariages furent célébrés en Belgique en 2015. [8] La même année, plus de 24 400 divorces étaient recensés. [9] 

Banalisation avérée : triste réalité ? À vous de juger…

C’est un fait, il n’est pas exceptionnel qu’un mariage se solde par un divorce, bien au contraire. Une enquête d’Ipsos, réalisée en 2016 à la demande de la Ligue des familles, s’est intéressée au « baromètre des parents ». Résultat : un tiers des répondants est passé par un divorce. De plus, il semblerait que le couple belge aurait tendance à divorcer après 10 ans indique lesoir.be. [10]

Or, nul doute qu’il devrait en être autrement. En effet, Couples et Familles estime que les déclarations qui composent la célébration du mariage doivent être dites en toute sincérité par des personnes ayant préalablement réfléchi à l’engagement auquel elles désirent prendre part. Il est indispensable qu’une réflexion approfondie précède toute union. En outre, la porte de sortie que constitue le divorce favorise peut-être certaines personnes à se lancer dans l’aventure du mariage car en sachant que « de toute façon, il y a moyen d’y mettre un terme si ça ne va pas », il est plus facile de consentir à s’engager « pour la vie » en prononçant le fameux « oui ». D’ailleurs, on peut légitimement se demander si la formule ne sera pas bientôt remplacée par un « oui, a priori » qui semblerait plus à propos au vu des chiffres…

La banalisation du divorce désacralise sans aucun doute l’institution du mariage. À terme, « se marier » risque de constituer un acte léger, recherché – non pas uniquement mais presque – car une fête d’envergure est au programme, et où le poids accordé aux mots sera réduit. Un rituel à repenser ? Peut-être ; même si quand il est sincère et mûrement réfléchi, quand le couple est prêt à affronter ensemble tous les obstacles qu’il pourrait être amené à rencontrer, là il semble tout à fait opportun de célébrer le mariage ; la journée qui marque l’union pour la vie – et non pas passagère – de deux âmes. Mais il est difficile, impossible même, de prédire l’avenir.

Quoiqu’il en soit, pour rendre ses lettres d’or au mariage, il faudrait agir. Afin d’« éviter la casse », les couples seulement désireux d’organiser un évènement festif ne devraient pas prétexter un mariage pour le faire… Tenues d’apparat, dîner fastueux et soirée à couper le souffle ne sont que des manières de dire la joie que l’on a à s’engager l’un envers l’autre et devant les personnes qui nous sont chers. Encore faut-il que l’on continue ensuite à mettre autant de soin à nourrir la relation si l’on veut lui donner des chances de longévité.

Selon Couples et Familles, le sens du mariage devrait prendre le pas sur les festivités qui lui sont associées. Pour ce faire, encourager une réflexion préalable parait indispensable. Celle-ci aura peut-être pour effet de réduire le nombre de mariages (et de divorces) … Ensuite, une fois la bague au doigt, les mariés confrontés à des difficultés se doivent de redoubler d’effort pour les surmonter plutôt que de baisser les bras à la moindre des difficultés. Enfin, les époux se doivent de respecter leurs vœux. Ce n’est, il nous semble, qu’en respectant ces trois « étapes » que l’on peut véritablement parler d’engagement « pour la vie ».

Bref, déjà fortement fragilisée et assez décrédibilisée par la masse considérable de divorces, l’institution du mariage risque de perdre encore davantage de son caractère sérieux et sacré avec l’apparition des fameux selfies du divorce… Couples et Familles estime que ces derniers contribuent à banaliser les divorces et à laisser penser que l’on peut rompre une relation sans souffrance. Quoiqu’il en soit, Couples et Familles ne remet nullement en question le bonheur, le mieux-être, l’épanouissement, etc. que peuvent ressentir des personnes ayant vécu leur divorce comme une libération d’une relation qui les étouffait. Nous ne sommes pas contre le divorce, mais contre sa banalisation ; tout comme contre le manque de sérieux et de réflexion dont font preuves certains couples en passant à la commune et/ou devant l’autel. Contre la nouvelle définition que semble progressivement revêtir l’institution sacrée – à nos yeux – du mariage. Un papier déchirable plutôt qu’un roc inébranlable… [11]
 

 


Pour aller plus loin :
- Parent en 2016, un métier à haut risque - Les résultats du Baromètre des parents de la Ligue des familles (13 décembre 2016). In : https://www.laligue.be/.
- Nos amis se séparent, dossier NFF n°82. Malonne : éditions Feuilles Familiales, 2007, 96 p.

 

 

 

 

 

 


 

[1] Le selfie du divorce, la dernière mode des réseaux sociaux. In : http://geeko.lesoir.be/. Consulté le 31 juillet 2017.
[2] Le selfie divorce: la tendance qui dédramatise les ruptures. In : https://www.flair.be/. Consulté le 2 août 2017.
[3] Ibid.
[4] Ibid.
[5] Le selfie du divorce, la dernière mode des réseaux sociaux. In : http://geeko.lesoir.be/. Consulté le 2 août 2017.
[6] Les réseaux sociaux ont ils changé nos codes amoureux ? – L’art de la rupture 2.0. In : http://www.maxisciences.com/. Consulté le 2 août 2017.
[7] Le « Divorce Selfie », nouvelle mode Instagram. In : http://www.jdubuzz.com/. Consulté le 3 août 2017.
[8] Le nombre de mariages et de divorces progresse à peine en 2015. In : http://statbel.fgov.be/. Consulté le 3 août 2017.
[9] Divorces – Statistiques & Analyses – Home. In :  http://statbel.fgov.be/. Consulté le 3 août 2017.
[10] Baromètre des parents : le couple belge divorce après 10 ans. In : http://www.lesoir.be/. Consulté le 4 août 2017.
[11] Analyse rédigée par Audrey Dessy.

 

 

 

 

 

 

 

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