Analyse 2012-09

Partout dans le monde, l’utilisation de l’automobile se généralise. Le nombre de voitures ne cesse d’augmenter dans les pays occidentaux, il explose dans les pays en voie de développement. Particulièrement en Chine et en Inde. Nombreuses sont les familles qui ne pourraient envisager une existence sans voiture. Conduire les enfants à gauche et à droite, faire les courses, se rendre sur son lieu de travail, partir en vacance… La voiture est un outil de mobilité très précieux. Pourtant, elle présente aussi de nombreux inconvénients.


« L’utilisation de la voiture devrait être réduite »

Pour ses détracteurs, la place de l’automobile dans la société et au sein de la famille devrait être repensée. Les arguments sont nombreux :

  • La voiture coûte les yeux de la tête : en essence, en assurance, en frais d’entretien. Les amendes sont fréquentes. Il faut également compter les frais de parking, les péages quand la famille part en vacances.
  • La voiture pollue. Les conséquences sur l’environnement sont lourdes, tant au niveau du climat que de la qualité de l’air. Utiliser sa voiture, c’est consommer du carburant et produire du dioxyde de carbone (CO2). Rejeté dans l’atmosphère, ce gaz contribue à l’augmentation de l’effet de serre et donc au réchauffement de la planète. L’accroissement du trafic automobile n’a pas seulement un effet négatif sur le réchauffement climatique. Il aggrave également la pollution atmosphérique. Diverses études le confirment : le trafic automobile est responsable d’au moins la moitié de la pollution atmosphérique.  
  • La voiture défigure – ou en tous cas définit – les paysages urbains. Avec ses parkings, ses stations d’essence, elle a un impact visuel affligeant sur certaines villes et lieux touristiques .
  • La voiture prend beaucoup de place. 1300 kg pour transporter quatre ou cinq personnes, c’est excessif. De plus, le conducteur est bien souvent seul derrière son volant.
  • La voiture provoque des embouteillages. En Europe, les centres-villes n’ont pas été créés pour l’automobile et sont donc engorgés de trafic .


 « Je ne pourrais pas vivre sans voiture »


Mais pour beaucoup, vivre sans voiture serait tout simplement inenvisageable. L’automobile constitue le moyen de transport le plus rapide et efficace pour se mouvoir, facilite la gestion de la vie quotidienne. Retourner au vélo ou à la marche à pied serait considéré par de nombreux conducteurs comme un recul du progrès.
De plus, l’automobile est, depuis de nombreuses années, entourée de toute une symbolique. Les grosses cylindrées représentent un mythe.
Synonyme d’indépendance et d’autonomie, la voiture permet à l’individu d’aller où il veut, quand il veut, avec qui il veut. Derrière le volant, tout devient possible : contempler un coucher de soleil à la mer, partir à la montagne, rejoindre une personne proche sur un coup de tête.

La voiture remplit également d’autres fonctions :

  • Derrière son volant, l’individu acquiert une existence sociale. L’automobile lui permet de se sociabiliser, de rejoindre son lieu d’apprentissage ou de travail. Elle fait le lien entre l’individuel et le social.
  • La voiture apporte des bénéfices sur le plan narcissique. Dans l’imaginaire collectif, une grosse voiture est liée à la réussite sociale. La personne qui la possède voit donc son estime d’elle-même renforcée.


La voiture, un signe extérieur de réussite sociale

Au plus la voiture d’un conducteur est grosse, au plus il renverra l’image d’un individu qui a réussi socialement. Des associations d’images sont inévitablement suscitées et la voiture permet d’opérer un repérage social  . Une automobile donne des informations sur la vie de la personne qui la conduit, un peu comme le font les vêtements, le téléphone portable ou l’habitation. Un père ou une mère de famille privilégiera souvent une grande voiture pratique et spacieuse. Les jeunes opteront pour de petites voitures d’occasion. Il est très différent de rouler dans un 4x4 ou dans une voiture de sport deux places…

Hommes, voiture et virilité


Le rapport à l’automobile est différent que l’on soit un homme ou une femme. La voiture est liée à un univers phallique et permet aux hommes d’assurer leur virilité . Pour eux, la voiture est un signe de pouvoir. Derrière leur volant, les hommes se sentent invincibles. Une étude réalisée au Laboratoire de simulation de conduite de l’Université de Montréal révèle que 90% des individus agressifs sur la route sont des hommes. La plupart d’entre eux ont entre 24 et 44 ans.
Véritables rois de la route, les hommes poussent plus facilement sur l’accélérateur que les femmes et en oublient les dangers. Ils collent les autres voitures, doublent et font des queues de poisson .

La voiture s’est féminisée


Les femmes ont, quant à elles, une conduite beaucoup moins agressive et n’ont pas d’attachement narcissique à leur voiture. Elles souhaitent avant tout conduire une voiture pratique. Au volant, elles sont moins individualistes que les hommes, plus respectueuses des règles et plus attentives aux autres .
Ces affirmations sont toutefois à tempérer. Le modèle traditionnel homme-femme a fortement changé ces dernières décennies. Les enfants sont aujourd’hui habitués à voir leurs mamans conduire une voiture. La moitié des permis de conduire sont détenus par des femmes et ces dernières représentent un tiers des acheteurs de voitures. Elles n’ont plus besoin d’un homme pour choisir leur véhicule et craquent aussi pour certains modèles. Dans le couple, ce sont même souvent elles qui ont le pouvoir décisionnaire. Elles ne peuvent donc plus être ignorées. Leurs attentes entrent en ligne de compte au même titre que celles de leurs homologues masculins. Les constructeurs automobiles l’ont d’ailleurs bien compris et l’affirment : les modèles de voiture n’échappent plus à la féminisation. Penser à la clientèle féminine est devenu une étape nécessaire et même inévitable .
Ces dernières années, la voiture n’a donc pas eu d’autre choix que de s’adapter à la femme. Les exigences ont été revues à la hausse car en matière d’automobile, les femmes ont des attentes pointues. Là où les hommes attachent surtout de l’importance à la performance, les femmes donnent la priorité au confort, au design et au service. Une femme veut que sa voiture soit belle. Les designers ont donc développé des gammes de couleurs, de textiles et une multitude de petites choses qui séduisent les femmes : des accessoires, des accoudoirs, des espaces de rangement. Produit purement technique auparavant, la voiture est aujourd’hui un produit utile et pratique. Les hommes ne s’en plaignent pas. Au contraire. Grâce à la féminisation de l’automobile, ils profitent pleinement du confort, gadgets et autres commodités qui ont une fonction très précise : leur simplifier la vie.

Voiture et affection


Certains entretiennent un rapport affectif fort avec leur véhicule. Protéger dans son habitacle, le conducteur est un peu comme chez lui. La voiture est, en fait, le prolongement de la maison. Lorsqu’il se retrouve dans sa voiture, le conducteur entre immédiatement dans un environnement familier.
La voiture traverse, avec son conducteur, différentes étapes de la vie. Les enfants s’amusent souvent à lui donner un petit nom : Titine ou Titounette. La voiture n’est plus un objet. Elle passe à l’état de sujet. Elle devient une sorte de compagnon de route, témoin d’émotions diverses : le conducteur s’ennuie dans les bouchons, s’énerve sur les chauffards, angoisse dans les situations difficiles. Lorsque sa voiture le lâche, il se sent parfois triste, abandonné, déçu. Un peu comme si un compagnon l’avait quitté .

Conclusion


L’automobile est un moyen de transport efficace et aide énormément dans la gestion de la vie de tous les jours. Mais l’attachement qui lui est porté pourrait parfois être revu. En zone urbaine, l’utilisation excessive de la voiture devrait être repensée car la voiture pollue et les conséquences qu’elle provoque sur l’avenir de la planète ne peuvent être ignorées.
Pour contrer tous ces inconvénients, certaines initiatives – qui pourraient être développées ou généralisées – existent déjà :

  • Le remboursement des indemnités kilométriques pour les trajets à vélo vers le lieu de travail,
  • La mise à disposition de vélos par certains employeurs (Colruyt, par exemple, ainsi que certaines administrations publiques),
  • La mise en service de vélos urbains ou de voitures partagées.

D’autres formes de mobilité pourraient être instaurées ou renforcées :

  • Le développement les transports en commun,
  • La promotion des petits véhicules légers,
  • La sécurisation des espaces cyclables,
  • La mise en place de parkings vélos sécurisés à proximité des gares,
  • Le développement des transports urbains légers et fréquents, gratuits dans certaines villes,
  • Le co-voiturage

Les changements de mentalité passeront peut-être par la jeunesse. Les jeunes semblent, en effet, de moins en moins intéressés par la voiture  . Pour eux, conduire n’est plus une priorité. Pire : la voiture représente une contrainte. Aux Etats-Unis notamment,  les jeunes gens sont plus intéressés par l’achat du dernier portable à la mode ou de la console dernier cri que par l’obtention de leur permis de conduire.
Un attachement moins excessif à l’automobile permettrait sans doute d’aller vers de nouvelles formes de mobilité, tout aussi pratiques mais plus respectueuses de l’environnement .

 

 

 

[6] Touring Explorer n°197 : La voiture, un truc de fille ?

[8] Touring Explorer n°197 : La voiture, un truc de fille ?

[9] Entretien avec Tamara Knecht, psychologue et psychothérapeute en milieu hospitalier

[12] Analyse rédigée par Isabelle Bontridder.
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