Analyse 2011-09

La découverte de l’homosexualité est un moment difficile à traverser pour l’adolescent, mais également pour ses parents. Lorsqu’il a fait son coming out, l’homosexuel est catégorisé. Il n’est souvent plus considéré comme rien d’autre qu’un homosexuel. Quand les choses se passent bien, il devient « mon ami gay » ou « mon voisin homo ». Lorsque son coming out se passe mal, il subit les injures, les insultes, les regards de travers. L’homosexualité est encore aujourd’hui très difficile à assumer.

 

Ces dernières années, en matière d’homosexualité, les choses ont énormément évolué : les sociétés occidentales accordent une certaine reconnaissance sociale aux homosexuels. Mais les choses ne sont toutefois pas encore toutes roses. Malgré cette évolution positive, il est encore extrêmement difficile d’assumer et d’affirmer son homosexualité. Dans notre société, l’hétérosexualité est la norme et ceux qui ne correspondent pas à cette normalité sont encore souvent regardés de travers. Le cinéma hollywoodien ne met en scène que des couples hétérosexuels. Les Américains, très religieux, sont encore aujourd’hui persuadés que l’homosexualité est un péché. Au moment de la puberté, lorsque le jeune adolescent découvre qu’il est attiré par des personnes de son propre sexe, sa vie est totalement chamboulée. Il devient détenteur d’un secret qu’il a bien sûr envie de partager. Mais avec qui ? L’adolescent sait que s’il parle, il risque de se mettre en danger.

 

Les injures homophobes

 

« Un gay apprend sa différence sous le choc de l’injure et de ses effets », affirmait le philosophe français Didier Eribon . Dès sont plus jeune âge et avant même de comprendre qu’il est homosexuel, l’enfant est confronté à l’injure homophobe. Ces injures proférées dans les cours de récréation ont un impact considérable sur la construction de l’identité et sur l’estime de soi des homosexuels. Lorsque le jeune adolescent découvre son homosexualité, il se rend compte que ces terribles injures (qu’un jour il a peut-être lui-même prononcées) le désignent, le constituent et le condamnent. Elles font de lui un être stigmatisé. Elles le coupent à jamais du monde de la normalité et humilient le groupe auquel il est désormais censé appartenir.

 

Refoulement et déni

 

Alors, certains homosexuels tentent de fuir la réalité et mettent en place des mécanismes de défense tels que le déni ou le refoulement. L’adolescent refoule sa pulsion homosexuelle en toute bonne foie : il ne sait pas qu’il est homosexuel. Â la limite, ses copains le voient plus que lui. D’autres reconnaissent leur pulsion homosexuelle mais refusent d’y céder. Leur homosexualité les dégoûte.

 

L’identité homosexuelle

 

L’homosexualité n’est pas un phénomène récent. Les comportements homosexuels sont présents dans la société depuis la nuit des temps. On les retrouve à toutes les époques et dans toutes les sociétés humaines. Mais il a fallu attendre la fin du 19ème siècle pour que l’on commence à parler d’une identité homosexuelle. Aujourd’hui, on ne dit plus d’un individu qu’il a un comportement homosexuel. Il est homosexuel.

 

Le coming out : un processus de socialisation

 

Depuis quelques années, la société contemporaine permet aux homosexuels une plus grande visibilité. Mais cette évolution a induit une nouvelle problématique. Tout homosexuel qui désire vivre en harmonie avec lui-même doit désormais passer par une étape obligatoire : le coming out . « Faire son coming out », c’est s’avouer à soi-même et aussi aux autres, la vérité sur sa sexualité. Cette prise de conscience survient généralement à l’adolescence et vient bousculer toutes les certitudes de l’individu. Le coming out est une étape très difficile à passer. L’adolescence est certainement une des périodes les plus difficiles de la vie. C’est à ce moment que le jeune part à la découverte de son identité et ce n’est déjà pas une chose facile. Alors, si en plus, le jeune se découvre homosexuel, c’est une terrible charge à ajouter.
De plus, pour ceux qui émergent d’une longue période de déni, le coming out peut constituer une perspective tout-à-fait terrifiante. Pourtant, il s’agit avant tout du point de départ de la libération. Le coming out est un processus de socialisation qui permet au jeune de sentir qu’il n’est pas seul.

 

Vivre sans devoir se cacher

 

Le sociologue Eric Fassin  a mis en avant le caractère paradoxal du coming out. D’après lui, le coming out est un rite de passage qui organise la vie homosexuelle selon un modèle binaire : il y a un avant et un après. Le paradoxe, c’est que le coming out ne change pas la situation de l’homosexuel. Il lui permet seulement de vivre sans devoir se cacher.

 

Les deux types de coming out : l’internal et l’external coming out

 

Patrick Hannot , psychologue clinicien et psychanalyste distingue deux étapes dans le coming out. 

  • L’internal coming out est la première étape de l’acceptation de son homosexualité. Elle survient généralement après une prise de conscience liée à un acte ou à un fantasme. L’individu se dit intérieurement : « Je suis homosexuel ». « Il est très difficile d’admettre son homosexualité », explique  Patrick Hannot. « Les homosexuels peuvent souffrir d’une homophobie intériorisée. Ils sont homosexuels mais aussi homophobes ». Les deux ne font évidemment pas bon ménage. « Ce n’est, en fait, pas l’homosexualité qui est dangereuse : c’est l’homophobie », poursuit Patrick Hannot. « Il ne faut pas non plus oublier que celles que l’on injurie à travers les homosexuels, ce sont en fait… les femmes ! Quand on dit à un petit garçon qu’il ne doit pas se comporter ou pleurer comme une fille, c’est en fait le féminin qui est rejeté. Quand le rapport que les hommes ont avec les femmes aura changé, il n’y aura plus d’homophobie. »
    Lors de l’internal coming out, la personne homosexuelle doit admettre toute une série de choses, mais aussi toute une série de pertes. Elle doit faire le deuil de l’hétérosexualité, des espoirs de ses parents. Et c’est très difficile.
  • Si l’internal coming out est excessivement difficile à réaliser,  l’external coming out l’est encore plus. Notre société est devenue tolérante face à l’homosexualité. Mais elle n’est pas encore acceptante. Beaucoup de jeunes homosexuels ne sont pas acceptés dans leurs familles. Ils tombent alors très bas et, rejetés par leurs proches, ils se retrouvent parfois dans la rue.

 

De plus, la tolérance accordée à l’homosexualité a des limites. La société aime qu’un homosexuel corresponde à l’image qu’elle se fait d’un homosexuel. Si un homosexuel sort du cadre préétabli du stéréotype, il dérange. La société attend donc de lui qu’il vive en fonction de certaines attentes stéréotypées, propres à la catégorie qui le définit. Les hommes doivent être efféminés et les femmes sont contraintes à ressembler à des camionneuses. L’adolescent qui se découvre homosexuel va donc penser qu’il est obligé de se conformer aux attentes stéréotypées et il va se mettre à évoluer selon le mode de vie « gay ». N’oublions pas que ce mode de vie n’est pas instinctif. Il s’agit d’une construction sociale. Â la différence des comportements homosexuels, l’identité homosexuelle a, elle, été construite de toute pièce par la société.

 

Si les mentalités ont beaucoup évolué ces dernières années, le coming out reste une étape difficile pour l’adolescent, en pleine construction de son identité. Il n’est déjà pas toujours simple d’effectuer le passage de l’adolescence, que dire alors quand le jeune se découvre une orientation sexuelle qui ne correspond pas à la norme ambiante ?
Les parents ont un rôle essentiel à jouer, car ils sont en première ligne et ont une importance affective primordiale pour le jeune. Même si la révélation de l’homosexualité de leur enfant est un choc, ils sont les mieux placés pour l’accompagner à accepter son identité et l’aider à se construire une vie épanouie. Fort de ce soutien, le jeune aura déjà moins de difficultés à se faire accepter par les groupes dans lesquels il est inséré.
Cela demande aussi de poursuivre le combat pour une société ouverte, qui ne tolère pas seulement l’homosexualité lors de ses manifestations collectives et « folkloriques » comme la gay-pride, mais au quotidien et dans tous les secteurs de l’existence, par exemple dans le secteur de l’emploi .


  • Didier Eribon, Réflexions sur la question gay, Fayard, 1999.
  • Voir à ce porpos « Coming out. Quand l’homosexualité survient, Dossier NFF n°88, 2009.
  • Eric Fassin, L’inversion de la question homosexuelle, éd. amsterdam, 2005.
  • Voir son blog http://p56h.unblog.fr
  • Texte rédigé par Isabelle Bontridder (Couples et Familles), au départ de la rencontre-débat animée par Patrick Hannot, psychologue clinicien et psychanalyste. Cette rencontre débat était organisée dans le cadre des Midis de la Famille proposés par l’échevinat de la famille de la commune d’Ixelles, en partenariat avec diverses associations, dont Couples et familles.

 

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