Analyse 2011-07

La vie sexuelle des jeunes préadolescents reste souvent un mystère, surtout pour les parents. Quelle est leur juste place ? Doivent-ils accepter discrètement et avec confiance l'évolution spontanée de cette sexualité naissante ? Doivent-ils la sanctionner ? Explications.


Il existe une sexualité chez les préadolescents. Mais pas chez tous. Cette sexualité est parfois tardive, parfois précoce. Tout commence en général vers la sixième primaire. La transformation pubertaire se met en route. Le corps du préadolescent change. Son humeur est plus instable et des pulsions agressives et sexuelles plus archaïques l’envahissent. Tout à coup, son image devient plus importante et il a moins de contrôle sur ses émotions. La préadolescence est une période de la vie durant laquelle le jeune a envie de mettre son corps en évidence, d’attirer le regard de l’autre. Les vêtements et la coupe de cheveux commencent à avoir une importance toute particulière pour lui. Les « lolitas », ces femmes-enfants qui allument les garçons, apparaissent. Elles sont encore jeunes et ne désirent aucunement avoir des relations physiques : elles veulent juste taper dans l’Å“il de leurs camarades masculins.


Pourquoi et comment la sexualité se développe-t-elle chez le préadolescent ?


Quatre facteurs peuvent l’expliquer.

  • La force de vie.
  • L’enfant voit vivre ses pairs. Il voit, en observant ses parents, la place qu’ils accordent à l’affectivité, au plaisir et à l’autre. Les parents ont eu des années pour transmettre à l’enfant la joie d’habiter son corps. Parfois, névrosés et dépressifs, ils ont, au contraire, éloigné l’enfant de son corps.
  • Les facteurs intra-psychiques. La curiosité : Durant la préadolescence, l’objet de la curiosité sexuelle change. L’enfant est animé par une curiosité scientifique. Les jeux sexuels entre enfants sont destinés à comprendre « comment ça fonctionne ». Durant la préadolescence, cette curiosité se transforme en curiosité érotique. Les interdits : Les préados veulent transgresser les règles, combattre les interdits. Ils se mettent alors à aller voir de la pornographie sur Internet, parce qu’ils savent qu’ils n’en ont pas le droit : leurs parents ont mis des filtres sur l’ordinateur. L’anxiété : Les pratiques sexuelles font souvent peur aux préadolescents. Ils n’en parlent pas à leurs parents et préfèrent poser des questions à leurs copains, lors d’une séance d’éducation sexuelle ou en allant sur des forums. Dans certains cas, cette angoisse les dissuade de tenter des expériences sexuelles. Mais dans d’autres cas, l’anxiété peut aussi les amener à faire des vérifications compulsives.
  • La place de l’intelligence. Le préadolescent est victime de véritables combats intérieurs. Il se pose des questions : « Est-ce que je dois me masturber ou pas ? ». Il sait pertinemment qu’il est maître des choix qu’il fait par rapport aux actes sexuels qu’il pose. Déjà à douze ans, certains préadolescents précoces sont déjà bien engagés dans la vie sexuelle active : ils ont un éveil sexuel tout-à-fait affirmé et des pratiques sexuelles très concrètes. Mais ce n’est pas toujours le cas. Â cet âge-là, d’autres jeunes préfèrent le sport ou la lecture.

 

Quelles sont les pratiques sexuelles des préadolescents ?

 

  • La recherche d’informations. Elle passe par les conversations, les blagues, les questions que les adolescents vont poser sur les forums.
  • La masturbation. Durant la préadolescence, beaucoup de jeunes font des expériences avec leurs organes génitaux. Ces explorations se passent parfois tout seul, parfois avec un copain ou une copine, parfois en petit groupe, parfois devant un écran. Il n’y a pas vraiment de règle. Via la masturbation, l’adolescent apprend à apprivoiser son corps. La masturbation peut être bénéfique car elle enlève des tensions, mais elle peut aussi devenir une addiction.
  • Le voyeurisme des images. Dans les années 1960, ce type de voyeurisme était considéré comme une perversion rare. Les images ne se trouvaient pas facilement : il fallait les conquérir. Mais aujourd’hui, les choses ont bien changé : les images sensationnelles sont facilement accessibles et se ramassent à la pelle. La préadolescence est la période durant laquelle l’être humain consomme le plus d’images sexuelles. Mais cette activité ne dure pas. La majorité des jeunes finit par caser cette pornographie dans un coin de sa tête et n’y recourt alors plus qu’occasionnellement.
  • La filmographie: la filmographie est un peu plus rare. Les jeunes adolescents se filment lors d’activités sexuelles : vidéos porno, masturbation, strip-tease, etc. Certains ados conservent ces vidéos dans leurs ordinateurs. D’autres les envoient sur Internet ou les font circuler sur les portables. Parfois, certains parents tombent malencontreusement sur ces vidéos intimes. Lorsque c’est le cas, le parent peut rappeler à son enfant que la sexualité est quelque chose de très privé et qu’il est largement préférable de ne pas laisser traîner des vidéos aussi sulfureuses sur le bureau de son ordinateur ou sur Internet.
  • La zone noire. Dans des cas beaucoup plus rares, la sexualité du préadolescent fait place à du franchement bizarre : zoophilie, infantilisme, etc. Heureusement, la plupart du temps, les adolescents qui s’aventurent dans cette zone noire finissent par en ressortir d’eux-mêmes, parce qu’ils désirent revenir à plus de normalité. Mais d’autres restent dans cette zone noire pour ne jamais en sortir. Certaines grandes perversions commencent déjà durant l’enfance ou la préadolescence.

 

Les dérapages occasionnels

 

« Rien n’est jamais acquis à l’homme », disait le poète. C’est aussi vrai en matière de sexualité. Aucun être humain et aucun préadolescent n’est en mesure de vivre en permanence au cÅ“ur de la normalité. Même les enfants qui se développent bien peuvent, à un moment donné de leur existence, tomber dans des égarements sexuels un peu diaboliques. Mais souvent, ils regrettent rapidement leurs actes et reviennent d’eux-mêmes vers le droit chemin. Ils ont transgressé des interdits, mais ce ne sont, en fait, que de brèves explorations : dans l’ensemble, ces jeunes vont plutôt bien. Les parents ne doivent pas trop vite s’inquiéter sur le devenir de leur enfant. Il faut dissocier l’agissement du développement à long terme de l’adolescent. Bien sûr, il ne faut pas non plus tout relativiser. Un parent qui constate des agissements sexuels entre son fils de douze ans et sa fille de dix ans, peut surveiller ou même sanctionner cet agissement et exiger que cela ne se reproduise plus jamais.


La perversion


La sexualité des préadolescents est beaucoup moins rassurante lorsqu’elle est dominée par l’anxiété. L’ambiance est alors brutale et sinistre : partouzes, recherche du plaisir avec une intensité quantitative disproportionnée, etc. Certains jeunes expliquent qu’ils ont été poussés par une force intérieure. On est alors face à de la perversion. Le jeune doit pouvoir assumer son projet sexuel et ne pas rejeter la faute sur des facteurs qui lui sont extérieurs.


La sexualité des préadolescents ne doit pas être alarmante


Faut-il être alarmé par la sexualité des préadolescents ? La réponse est non. Même si certains préadolescents font des tâtonnements autour de la sexualité, leur volonté d’aimer est toujours bien présente. Ce n’est pas que sexuel. Les préadolescents sont avant tout dans la démarche amoureuse. Ils recherchent l’amour au travers de la composante physique, mais aussi au travers de la composante sentimentale. Même si, aujourd’hui, les liens se font et se défont plus rapidement qu’auparavant, l’amour reste quelque chose de très important pour les jeunes adolescents.


Quel est le rôle de l’adulte ?


« Lorsqu’un adulte veut intervenir, il doit tout d’abord repérer ses émotions », explique le docteur J-Y Hayez. « Il n’est pas toujours évident d’accepter qu’un jeune se préoccupe de ses zones génitales quand l’adulte estime qu’il est encore trop jeune et que ces activités ne sont pas encore pour lui. Plusieurs sentiments peuvent apparaître : de la colère, de la jalousie, de l’angoisse, de la tristesse. » Les parents doivent admettre que leurs enfants grandissent et ils doivent, autant que possible, les laisser en paix. Il faut tenter de ne pas trop s’intéresser à leur vie sexuelle et surtout, de ne jamais les culpabiliser .

 


Texte rédigé par Isabelle Bontridder (Couples et Familles), au départ de la rencontre-débat animée par Dr. J-Y Hayez, pédopsychiatre, docteur en psychologie, professeur émérite à l'Université catholique de Louvain. Cette rencontre-débat était organisée dans le cadre des Midis de la Famille, proposés par l’échevinat de la famille de la commune d’Ixelles, en collaboration avec différentes associations, dont Couples et Familles.

 

 

 

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