Analyse 2010-06

Dans une société ou la confiance en soi et le développement personnel sont constamment mis à l’honneur, il n’est pas toujours facile de trouver sa place. Paolo Doss est un clown, un artisan du rire, un semeur d’espérance. Il raconte comment, après des années de galère, il a enfin trouvé confiance en lui. Son itinéraire particulier est riche d’enseignements.

 


Paolo Doss n’a pas toujours été sûr de lui. La confiance, il a dû se battre pour l’acquérir. Né en Egypte, Paolo Doss a, durant son enfance, été balloté d’un pays à l’autre. Après avoir quitté l’Egypte en tant que réfugié politique, il s’installe avec sa famille en Italie. Nouveau pays, nouvelle culture, nouveaux amis… Paolo Doss doit s’acclimater.  cinq ans, il vit un traumatisme : sa mère s’écroule à ses pieds et décède d’une crise cardiaque. A douze ans, il quitte l’Italie avec son père et vient s’installer en Belgique. Une nouvelle fois, il doit tout recommencer et se familiariser avec un nouveau pays, apprendre une troisième langue, se refaire des amis. Confiance en lui : zéro. « Durant mon enfance, j’ai été sans cesse déraciné. Je devais tout recommencer à chaque fois : me trouver de nouveaux amis, de nouveau repères, m’adapter à un nouveau climat. Tout était à chaque fois neuf. » Résultat ? Un manque de confiance en lui énorme. Paolo Doss était un enfant extrêmement renfermé.


Un parcours scolaire chaotique


D’un point de vue scolaire, le parcours de Paolo Doss est assez chaotique. « Mes professeurs me disaient que j’étais juste bon à aller ramasser des crottins de biche dans les bois ! » A vingt ans, quand il termine ses études secondaires, Paolo Doss se retrouve dans l’angoisse la plus totale : « que vais-je faire de ma vie ? » Il s’inscrit à Saint Luc et commence des études de graphisme. En troisième année, il quitte l’école pour suivre un ami qui fonde une société de publicité. Les débuts de la société sont difficiles. « Je n’avais pas de diplôme. Mais j’ai appris à mettre la charrue avant les bÅ“ufs et à ne pas avoir peur de l’erreur. Il faut accepter de se tromper car c’est l’erreur qui mène à l’enseignement. » Après quelques temps, la société de publicité prend de l’ampleur. Paolo Doss et son associé engagent du personnel et déménagent dans de beaux locaux. « Un jour, je me suis regardé dans le miroir et je me suis demandé si c’était vraiment ce que je voulais faire de ma vie. Est-ce que je voulais utiliser ma créativité dans la vente de produits auxquels je ne croyais pas ? Je me suis rapidement rendu compte que cela ne correspondait pas à la personne que j’étais. Le lundi matin, j’ai appelé mon associé et je lui ai dit que je ne venais plus. Je suis parti en lui laissant tout. »


Un jour, Paolo Doss décrète qu’il est un grand clown


A 25 ans, Paolo Doss se retrouve donc à la case départ et remet, une fois de plus, les compteurs à zéro. Il décide de se mettre à la chanson. Avec sa guitare, il va chanter dans les restaurants. Mais le succès n’est pas au rendez-vous. « Les serveurs me donnaient 100 francs pour que je sorte. J’empêchais les gens de manger. Ils riaient tellement qu’ils s’étouffaient. » Il essaye ensuite le théâtre, la guitare, le piano, le violon, la danse. Mais Paolo Doss devait sans cesse supporter les moqueries de ses professeurs. « Au Beaux-arts, j’ai fait un spectacle de danse devant 2200 personnes. A chaque fois que j’arrivais sur scène, les gens hurlaient de rire. J’essayais pourtant de faire ça le mieux du monde ! J’ai alors eu un déclic. Je me suis rendu compte que ce que j’aime, c’est voir les gens rire. Un jour, je suis rentré à la maison. J’ai déposé mes mains sur la table et j’ai décrété, face à l’univers, qu’à partir de maintenant, j’étais un grand clown et que les gens allaient payer pour écouter tous mes défaut. » Paolo Doss s’est rendu compte que tout ce qu’il avait réalisé dans sa vie, il l’avait obtenu en s’entêtant et en ne s’écoutant que lui-même. A chaque fois qu’il avait prêté foi à l’avis d’autres personnes, il avait échoué. Paolo Doss a donc décidé de n’écouter que sa voix intérieure. « J’ai loué une salle en ville. J’ai invité me amis, qui ont invité les leurs. La salle était pleine. La fois d’après, elle l’était un peu moins. Et ensuite, elle était vide. C’est là qu’ont commencé les années de galère. » Durant cette période, Paolo Doss ne mangeait pas tous les jours. Il a vendu sa télévision, ses livres, sa voiture jusqu’au jour où il s’est retrouvé sans rien. « Les huissiers m’ont tout pris. Je ne mangeais pas tous les jours. Je n’avais plus de maison… Je n’avais une dignité que très limitée. Mais je n’ai pas cessé d’y croire. J’ai fini par écrire un nouveau spectacle. Je jouais pour 300 francs et un sandwich à l’américain. Petit à petit, ça a commencé à marcher. J’étais enfin un clown. » Son secret est donc simple. « Je suis persuadé que l’univers nous donne ce que nous lui demandons. J’ai appris la puissance de l’affirmation. Avant je disais : je serai un grand clown. Non. Il ne faut pas voir les choses comme cela. Au futur ça ne fonctionne pas. Il n’y a que le présent. Le jour où je me suis dit : je suis un grand clown, toutes les occasions sont arrivées à moi et j’ai enfin pu vivre cette réalité. » Paolo Doss s’est présenté dans un hôpital et a commencé à jouer pour les enfants malades. « Les enfants malades m’ont véritablement appris mon métier. J’ai fait beaucoup d’erreurs. Ils ne m’en ont jamais voulu. Ils savaient que j’essayais de faire les choses sincèrement. » Aujourd’hui, cela fait dix-huit ans que Paolo Doss travaille dans des services de pédiatrie.


Un voyage à Rome en vélo


A quarante ans, Paolo Doss a une idée : il veut se surpasser. Il décide donc de partir jusqu’à Rome, en vélo, alors qu’il ne s’est jamais entraîné auparavant. « Tout le monde a tenté de me décourager ; ma famille, mes amis, même le marchand de vélo ! Au plus les gens m’aimaient, au plus ils me disaient : Ne fais pas ça ! Tu ne te rends pas compte ! » Et effectivement, parfois, c’est mieux de ne pas se rendre compte. Parce que si on se rendait compte, on ne ferait plus rien… Paolo Doss est donc parti de Woluwé Saint Pierre en juillet. Il avait dit qu’il allait le faire, il allait donc le faire. Et après 1860 kilomètres, Paolo Doss a fait son entrée triomphante dans Rome. « J’ai fait une photo devant le Colisée et puis j’ai pris le premier avion pour Bruxelles et je suis rentré. » Qu’est-ce-qui lui a permis de réaliser cet exploit ? « Ma confiance en moi. Je n’ai pas cru ceux qui, n’ayant pas confiance en eux, me transmettaient leur propre manque de confiance. C’est très inconvenant de dire à quelqu’un qu’il n’arrivera pas à atteindre l’objectif qu’il s’est fixé. » Les gens se projettent et voient leurs propres peurs. La solution, c’est de ne jamais y prêter attention.  


Le bonheur ne dépend jamais des autres


En fait, tant que l’on a besoin de l’autre pour exister, le pouvoir se trouve dans les mains de ce quelqu’un d’autre. « C’est pour cela que les relations humaines ou les relations de couples ne fonctionnent souvent pas », explique Paolo Doss. « Le bonheur ne doit jamais dépendre de l’autre. » Oser être qui l’on est, sans se soucier du regard d’autrui. « Il ne faut compter que sur soi-même », explique Paolo Doss. « Si je n’ai pas besoin de l’autre pour savoir que je suis extraordinaire, je peux aller vers lui libre de tout attachement. Je n’ai pas besoin de lui prouver que je suis quelqu’un de bien. Parce que je le sais déjà. C’est ainsi que l’on peut être vraiment soi-même, et que l’on entre dans la confiance en soi. »  


En conclusion


Pour Couples et Familles, l’itinéraire particulier de Paolo Doss, bien connu pour ses spectacles qui interpellent nos façons contemporaines de vivre les relations humaines, permet de relever quelques lignes de force utiles pour l’acquisition de la confiance en soi.


Les êtres humains sont le résultat des interactions entre les circonstances extérieures, qu’ils ne maîtrisent pas, et leurs propres décisions.


Les personnes attendent souvent avant de laisser une situation qui ne leur convient pas, par peur de l’avenir. C’est pourtant souvent l’espace laissé libre qui permet de développer de nouveaux projets.


Les échecs autant qua les succès sont formateurs. Les parents qui tentent d’éviter toute contrariété ou situation d’échec potentiel à leurs enfants ne leur rendent pas un bon service.


Si le bonheur comporte toujours une dimension relationnelle, il ne faut pas laisser à d’autres la responsabilité de son propre bonheur. Transposée au niveau social, cette réalité est un apprentissage de la citoyenneté responsable : chacun est responsable face à une situation sociale insatisfaisante, et c’est souvent dans la solidarité avec d’autres que l’on fait bouger les choses.  

 

 



(1) Texte rédigé par Isabelle Bontridder (Couples et Familles), au départ de la rencontre-débat animée par Paolo Doss, « artisan du rire et semeur d’espérance ».  Cette rencontre a eu lieu  dans le cadre des Midis de la Famille organisés par l’échevinat de la Famille de la commune d’Ixelles, en partenariat avec diverses associations, dont Couples et Familles.
(2) Voir le site de Paolo Doss http://www.paolodoss.be/ 

 

 

 

 

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