Analyse 2009-05

Les milieux d’accueil extrascolaire, espace de consensus, constituent l’un des acteurs de la coéducation. Leur mission essentielle est de donner à l’enfant la possibilité d’exprimer ses émotions et d’apprendre par le jeu. Comment s’y vit la coéducation ?


L’accueil extrascolaire est une structure assez récente. Elle présente un plus par rapport à l’école dont elle tente de se différencier. Tampon entre l’école et la famille, l’extrascolaire doit être un espace de consensus dans les relations entre l’école et la famille et dans la coéducation. Cette structure est apparue suite à l’évolution des modes de vie des familles et l’accession massive des femmes au marché de l’emploi. Cela a créé une nouvelle demande des parents qui, aujourd’hui, ne peuvent plus être disponibles de la même manière que dans le passé pour leurs enfants. On s’est donc rendu compte qu’il était important de créer un espace institutionnel au sein duquel la coéducation serait mise en place, d’ensuite définir un projet pédagogique et d’enfin préciser le rôle éducatif de chacun au sein de cette nouvelle institution. Car dans la coéducation, les rôles doivent être clairement définis : « Suis-je animateur ? Suis-je éducateur ? ». Dans l’extrascolaire, parents et éducateurs ne doivent, par exemple, pas s’occuper de l’enseignement. Ce rôle est destiné à l’école. L’extrascolaire n’échappe pas aux pièges de la coéducation. Outre le co-enseignement et la co-gestion, le risque majeur est la police des familles : l’institution toute puissante tente de diffuser, par l’intermédiaire de ses agents, des valeurs au sein des familles. Bien souvent, cette institution nouvelle qu’est l’extrascolaire voudrait profiter de l’enfant pour introduire de l’éducation dans les familles qu’elle considère être mal éduquées. L’enfant serait ainsi une personne rééducable qui pourrait introduire des normes de bonne éducation à l’intérieur de sa famille. C’est faux. Avec la police des familles, on obtient autant d’efficacité que si l’on tentait de régler le code de la route avec la Déclaration des Droits de l’Homme. Dans la coéducation, le parent et le professionnel s’intéressent ensemble au développement de l’enfant. Coéduquer, c’est mettre ensemble deux systèmes d’éducation qui se complètent. Le professionnel a un certain nombre d’outils et de repères qui lui permettent de se diriger. Il a des balises. Il sait où il va, sans pour autant se refuser le doute éducatif qui est également indispensable. Avec la coéducation, parent et professionnel se questionnent ensemble sur l’épanouissement de l’enfant et ils essayent de répondre ensemble à ses besoins affectifs, cognitifs et sociaux.  Dans la coéducation avec l’extrascolaire, il est important d’informer les parents et de les impliquer dans les différentes démarches. En contrepartie, les parents doivent s’engager dans la réflexion. Une certaine proximité avec les familles doit être recherchée dès l’accueil avec des périodes de familiarisation, une visite des locaux et la présentation du projet pédagogique.


Eviter de mettre la pression


Attention toutefois au comportement de certains parents, qui se mettent énormément la pression ; ils veulent être parfaits. Et indirectement, ils mettent la pression sur les institutions auxquelles ils demandent également de se comporter en éducateurs parfaits.  En fait, les parents revendiquent une sécurité absolue pour leur enfant. Ils considèrent que l’accident n’est pas possible et le soir, lorsqu’ils viennent rechercher leur enfant, ils souhaitent le retrouver dans l’état exact dans lequel ils l’avaient confié aux institutions le matin. L’enfant est aujourd’hui un bien si précieux qu’il est devenu inaltérable. Pourtant, la sécurité absolue n’existe pas… Cette injonction expose toutes les institutions à devenir ce qu’elles ne peuvent pas être : un endroit dans lequel toutes les formes d’incertitude sont contrôlées. Bien sûr, l’institution doit s’appliquer à rendre l’accident le plus improbable possible. Mais en faire quelque chose de totalement inconcevable n’est pas envisageable. Pour relâcher un peu la pression, les parents doivent accepter l’idée que l’enfant n’est pas un être parfait dans un monde parfait. Car les enfants ne sont pas irréprochables : ils crient, ils pleurent, ils rouspètent… Les enfants sont, en fait, des personnes assez énervantes qui embêtent souvent leur monde et qui font très rarement ce que l’on attend d’eux.


Socialiser les émotions


On peut citer à titre d’exemple une initiative de « La Récréation », le service d’accueil extrascolaire d’Anderlues. Un espace formel est mis en place par les animateurs : « l’humeur du jour ». Cet espace donne à l’enfant la possibilité de déterminer son état émotionnel. Il peut être content, triste, fâché, énervé. L’humeur du jour permet à l’enfant de socialiser ses émotions. De cette manière, elles ne prennent pas – ou plus – son corps en otage. Nous interdisons bien souvent à nos enfants d’exprimer leurs émotions, sous prétexte qu’ils doivent vivre dans une euphorie perpétuelle. Comme si ils étaient nés pour être heureux en permanence. Le bien-être ne peut pas devenir un objectif éducatif. Il est impossible à réaliser et est donc totalement contre-indiqué dans le processus d’éducation. L’enfant a le droit de vivre ses émotions, pour autant qu’elles s’expriment de manière socialement acceptable. Après une journée d’école, s’il a eu l’impression de ne pas recevoir les satisfactions qu’il attendait, il a le droit d’être triste. En fait, les endroits dans lesquels l’enfant a la possibilité d’exprimer ses émotions sont trop peu nombreux. En sortant de l’ordinaire de l’école, l’extrascolaire doit proposer aux enfants un espace qui leur permet d’exprimer leurs émotions. Ceci sans aucun jugement. En effet, les animateurs de l’extrascolaire ne doivent pas dire à l’enfant s’il a tort ou raison de ressentir une émotion. Un de leurs rôles est d’aider l’enfant à reconnaître les espaces dans lesquels il peut mettre des mots sur ses émotions.


Développer le plaisir d’apprendre


Outre les espaces proposés pour socialiser les émotions, l’accueil extrascolaire présente un autre avantage : il est un espace essentiel pour l’enfant, qui y trouve l’occasion d’apprendre par le jeu. Il conserve ainsi son plaisir d’apprendre. Car un enfant qui échoue à l’école n’est pas forcément un enfant qui prend plus de temps qu’un autre à réaliser un apprentissage. C’est un enfant qui a perdu son plaisir d’apprendre. Si tous les accueils extrascolaires se donnent la fonction de réaliser des apprentissages en y associant la notion de plaisir, le débat pourra devenir très producteur. Si la notion de plaisir est importante, l’enfant ne doit toutefois pas être animé et stimulé en permanence. Il doit aussi pouvoir s’effondrer, devant la télévision, par exemple. Son temps ne doit pas être systématiquement rempli. L’enfant a besoin de plages de repos. Les animateurs de l’extrascolaire doivent donc tenter de ne pas sur stimuler l’enfant. Lorsqu’il a terminé un  jeu, lui en proposer un deuxième, puis un troisième n’est pas la manière adéquate de répondre à ses besoins et de tenir compte de son développement.


Aucun acteur ne doit agir seul


Les parents, l’école et l’extrascolaire doivent former un tout. Une certaine cohésion doit être assurée entre ces trois parties. Chacun ne doit pas développer son petit projet pédagogique dans son coin. L’ensemble des projets pédagogiques doit prendre un sens à l’intérieur de la communauté éducative. Les écoles ont souvent tendance à faire des projets pédagogiques dissociés du reste de la communauté. Tant qu’elles poursuivront dans cette voie, elles perdront énormément en efficacité. Aucun des acteurs de la coéducation ne doit tout faire seul. Il doit remplir les missions qui lui sont assignées en fonction d’un tout. L’extrascolaire doit donc s’interroger sur son projet pédagogique dans l’ensemble du système auquel il participe. L’extrascolaire est un lieu qui permet d’associer les réseaux sociaux avec les écoles, qui trop souvent sont isolées du reste de la communauté éducative (1).

 


 


(1) Analyse rédigée par Isabelle Bontridder (Couples et Familles) au départ d’une rencontre-débat animée par Bruno Humbeeck, travailleur psychosocial, S. Defroyennes, coordinateur extrascolaire de Péruwelz et la participation de plusieurs représentants du réseau extrascolaire d’Ixelles. Cette rrencontre a eu lieu dans le cadre des Midis de la Famille organisés par l’échevinat de la famille de la commune d’Ixelles, en partenariat avec diverses associations, dont Couples et Familles.          

 

 

 

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