Analyse 2007/01

Quelles sont les valeurs auxquelles doit se référer l’Europe pour assurer son avenir ? Un débat qui oppose, entre autres, ceux qui pensent que les racines chrétiennes de l’Europe sont essentielles et ceux y voient la volonté de mainmise des églises sur la sphère politique. Couples et Familles propose son point de vue.


Un idéal déçu


Comme c’est le cas pour nombre d’anniversaires, les 50 ans de l’Union Européenne ont été et seront encore l’occasion, tout au long de l’année 2007, d’un regard tourné vers le passé. Le pasteur Marc Lenders, ami de notre association qui a notamment collaboré au dossier « Familles et Convictions » et que nous [1] avons rencontré en cette occasion, nous a évoqué à ce propos les tribulations que traverse aujourd’hui l’Union, en relative rupture avec les espérances des origines qui ont porté les deux générations précédentes, mais dont la prégnance semble s’estomper aujourd’hui.


« Pour beaucoup, dit-il, l’Union Européenne est devenue le réceptacle où viennent se déposer toutes les frustrations que rencontrent les populations. Pour d’autres, une minorité qui continue à adhérer à la finalité du projet européen, qui est de créer « une union de plus en plus étroite entre les peuples de l’Europe », l’important est de comprendre pourquoi, en dépit des résultats acquis dans un certain nombre de domaines, ils ont le sentiment que les résultats ne sont pas à la hauteur des attentes. Pourtant, l’Europe se trouve devant un choix que l’histoire lui impose et auquel elle ne pourra pas se soustraire : soit se présenter comme une entité politique capable de se faire entendre et écouter dans le monde, soit se laisser submerger par des politiques de type nationaliste, dont les signes sont de plus en plus visibles dans nombre de pays qui la composent.Au fur et à mesure que l’on découvrait les horreurs de la guerre 40-45, la question de la survie de l’Europe était posée. En effet, il ne s’agissait pas d’un conflit classique totalement explicable par des raisons économiques ou nationalistes. Autre chose de plus maléfique avait blessé mortellement ce que d’aucuns ont appelé « l’esprit européen ». S’ajoutait à cela le manque de discernement dont les églises avaient fait preuve devant ce qui se préparait et la priorité qu’elles avaient accordée à leur propre survie au cÅ“ur de la catastrophe. C’est dans ce contexte qu’est venu se dessiner le projet européen. Une poignée d’hommes ont eu le courage et la volonté de choisir un autre chemin que celui que les vainqueurs de conflit avaient l’habitude d’emprunter. Au lieu de dépouiller et d’humilier l’adversaire, ils ont voulu tendre la main. Ces gens-là étaient des géants. Ils ont souvent du se battre contre leur propres familles politiques. Quelle audace de mettre sous une autorité supranationale le charbon et l’acier, les moteurs d’une économie en ruine et les ingrédients de tout armement ! La force de ces premiers « européens » était de partager la vision d’une Europe réconciliée avec elle-même, mais aussi d’avoir les pieds sur terre. Cette vision était rendue possible par la faculté de chacun d’eux de transcender leurs intérêts immédiats, alliée au réalisme d’une prise à bras le corps des causes qui avaient été à l’origine du désastre : les nationalismes et l’absence de politiques équitables des revenus. Pour ceux qui recherchaient cet « esprit européen », Auschwitz représentait le terminus par-delà lequel le néant s’était déjà profilé. Il fallait trouver un autre chemin, un peu comme le fils prodigue de la parabole qui après avoir tout connu, décide de rentrer en lui-même. Pour Marc Lenders, s’il fallait une symbolique du projet européen, c’est peut-être cette image du fils prodigue qu’il faudrait retenir . Malheureusement, l’opinion publique n’a jamais vraiment pris le relais de ceux qui avaient lancé le projet de cette construction européenne, et c’est l’institutionnel qui a dominé, à travers la prééminence de la Commission et du Conseil, alors que le parlement est resté à l’arrière plan. »


La position des églises au discours d’anniversaire du Pape Benoît XVI


Dans cette évolution, Marc Lenders souligne que « les familles de conviction, les églises surtout, ont toujours été opposées à une assimilation aux ONG. Certes, elles ont des intérêts qui leur sont propres et qu’elles veulent défendre, mais elles estiment devoir intervenir par ailleurs pour le « bien commun » de la société. Durant les 30 années où j’ai pu observer [2] le comportement des églises dans leur rapport avec les institutions, -, j’ai souvent constaté qu’à défaut de bien distinguer entre les deux types d’interventions, le message risque d’être brouillé et donc mal interprété. Au fur et à mesure que la présence des Eglises s’est institutionnalisée au sein de l’Union Européenne, on les a senti se crisper sur des contenus plus autocentrés dans leur dialogue avec les institutions. »


Est-ce avec cette clé de lecture qu’il faut interpréter le discours qu’a tenu le Pape Benoît XVI le 24 mars 2007, lorsqu’il affirme que si l’Europe nie l’existence de valeurs universelles, elle se renie elle-même, avant de renier Dieu ?


ZENIT, l’agence vaticane d’information, transmet ce discours d’anniversaire sous la forme suivante :
« N’est-ce pas surprenant que l’Europe d’aujourd’hui, alors qu’elle a l’ambition de se présenter comme une communauté de valeurs, semble toujours plus souvent contester l’existence de valeurs universelles et absolues ? » s’est interrogé le pape. « Cette forme singulière d’ « apostasie » d’elle-même avant encore d’être une apostasie de Dieu, ne la conduit-elle pas peut-être à douter de sa propre identité ? » a-t-il poursuivi. Pour Benoît XVI l’Europe a une « identité historique, culturelle et morale » avant d’avoir une identité « géographique, économique ou politique ».Cette identité est constituée par un ensemble de valeurs universelles que le christianisme a contribué à forger, acquérant ainsi un rôle non seulement historique et fondateur vis-à-vis de l’Europe. « Ces valeurs, qui constituent l’âme du Continent, doivent demeurer dans l’Europe du troisième millénaire comme ferment de civilisation », a-t-il constaté. « Si celles-ci venaient en effet à disparaître, comment le « vieux » continent pourrait-il continuer à exercer sa fonction de « levain » pour le monde entier ? Si, à l’occasion du 50ème anniversaire des Traités de Rome, les gouvernements de l’Union souhaitent « se rapprocher » de leurs citoyens, comment pourraient-ils exclure un élément essentiel de l’identité européenne comme le christianisme, auquel une vaste majorité d’entre eux continue à s’identifier ? » Le pape a déploré la diffusion en Europe d’un pragmatisme « qui justifie systématiquement le compromis sur les valeurs humaines essentielles comme s’il s’agissait de l’acceptation inévitable d’un présumé moindre ma. Un tel pragmatisme, présenté comme équilibré et réaliste, ne l’est pas, au fond, précisément parce qu’il nie la dimension de valeur et de l’esprit qui est inhérente à la nature humaine. Et lorsque sur un tel pragmatisme se greffent des tendances et des courants laïcistes et relativistes, on finit par nier aux Chrétiens le droit même d’intervenir en tant que tels dans le débat public ou, au moins, on discrédite leur contribution ».


Le pape a attribué la crise démographique que traverse actuellement l’Europe à cette perte de valeurs et d’idéaux. « On pourrait presque penser que le Continent européen est, de fait, en train de perdre confiance dans son avenir », a-t-il déploré. Benoît XVI a conclu par un message d’optimisme pour les Chrétiens engagés dans la construction de l’Europe de l’avenir : « Ne vous lassez pas et ne vous découragez pas ! Vous êtes conscients d’avoir la tâche de contribuer à édifier, avec l’aide de Dieu, une nouvelle Europe, réaliste mais pas cynique, riche d’idéaux et sans illusions naïves, qui s’inspire de la vérité éternelle et vivifiante de l’Evangile ».


Comment se situer ? Une question de rapport la laïcité !


Association fondée par des chrétiens et qui fonde sa réflexion et ses activités sur les valeurs évangéliques, « Couples et Familles » s’interroge en effet sur l’exacte portée de la parole papale. Témoigne-t-elle d’abord d’un souci christiano-centrique ou d’une préoccupation désintéressée face à des dérives morales que connaîtraient les populations de l’Union Européenne ? Un peu des deux sans doute, mais comment se situer face à elle ? Quelle ligne de conduite adopter pour le bien des couples et des familles, de quelque conviction qu’ils soient ?


Ce que nous croyons déceler dans toute cette problématique de positionnement des Églises, et donc du Vatican, dans leur relation à l’Europe, c’est le rapport à la laïcité, ou même plutôt le sens même que peut ou que devrait revêtir cette laïcité. Pour faire bref, il y a deux conceptions de la laïcité : celle qui sous-tend le droit français essentiellement, et celle qui participe à la culture politique plus anglo-saxonne.


La constitution française, base de la laïcité républicaine, distingue deux droits : le droit-liberté et le droit-créance.


En ce qui concerne la liberté de conviction, une loi de 1905 garantit à chacun l’exercice du culte de son choix, dans la sphère privée comme dans la sphère publique, certaines manifestations extérieures d’appartenance convictionnelle étant autorisées par le législateur. C’est un droit-liberté que le citoyen peut opposer à l’Etat, et qui suppose le silence de la loi : le droit-liberté dessine un espace dans lequel la puissance publique ne peut intervenir.


La définition du droit-créance est plus complexe. Dans une thèse développée à son propos, Laurence Gay, chargée de recherches au CNRS, écrit : « Recenser dans la production doctrinale relative aux libertés publiques puis aux droits fondamentaux l’emploi de la notion de droits-créances serait chose impossible. Il est en effet peu de travaux qui ne s’y réfèrent, de façon incidente ou à titre principal, pour l’opposer à celle de droits-libertés. Cette fortune ne peut manquer d’étonner au vu de la définition somme toute imprécise qui en est donnée. Selon G. Burdeau, le droit-créance se présente comme « la prétention légitime à obtenir [de la collectivité] les interventions requises pour que soit possible l’exercice de la liberté ». Pour R. Pelloux, il confère « à l’individu le droit d’exiger certaines prestations de la part de la société ou de l’État : par exemple droit au travail, droit à l’instruction, droit à l’assistance ». Il ressort de ces définitions la prégnance de l’idée d’une dette positive. Le droit-créance est un pouvoir d’exiger, implique une intervention positive, une prestation positive.... Alors que les libertés sont « opposables à l’État », les créances sont « exigibles de lui ». Ces dernières doivent être mises en oeuvre. J. Rivero soulignait qu’en l’absence de cette concrétisation, le droit « demeure virtuel ». En définitive, ces approches débouchent sur une aporie. Le texte fondamental proclame un droit, mais ce droit n’existera éventuellement que dans le cadre de la loi ». Le Conseil constitutionnel français est intervenu dans le débat qui opposait les tenants d’une totale distinction entre les droits-libertés et les droits-créances, mais alors qu’il confirme le contrôle étroit du respect d’une liberté individuelle classique, il reconnaît « un large pouvoir d’appréciation au Parlement et au gouvernement » lorsqu’il s’agit de droits-créances. Les interrogations se déplacent donc de la nature juridique, aux intentions politiques quant aux principes. On conçoit le glissement important que cela implique en matière d’exercice du droit-liberté de conviction, susceptible de générer un appel à des droits-créances de la part des institutions religieuses ou convictionnelles. Comme le précise Laurence Gay : « L’évolution contemporaine voit en effet se développer les interventions étatiques en faveur des droits défensifs. Qu’ils soient proclamés par le texte fondamental ne suffit pas. Les pouvoirs publics sont également sollicités pour les protéger et les promouvoir. L’attitude active de l’État ne caractériserait donc pas les seuls droits-créances. (...). L’interprétation qu’en délivre désormais le juge constitutionnel permet de constater qu’ils fondent des principes appelant l’intervention de l’État pour mettre en oeuvre un objectif social autonome. »


Les tenants d’une laïcité radicale contestent violemment cette position qui consiste à faire accepter que la notion d’égalité des convictions, et donc des religions, suppose que la puissance publique garantisse aux « croyants » non seulement l’exercice de leur culte, mais qu’elle en accueille les demandes de financement par la collectivité, ce qu’ils considèrent comme un contresens par rapport à la définition même de la laïcité Pour eux, entrer dans cette conception, c’est entériner l’idée que le lien social est par nature religieux. Dans cette vision à la fois théologique et politique du lien social, ce sont les religions qui permettent de tisser le lien social. Contre le modèle républicain, elle conduit à déléguer aux religieux la mission d’organiser le lien social, mission essentielle de l’Etat. Tous les défenseurs de la laïcité, en France comme ailleurs, n’adoptent pas cette position radicale. Pour eux, la neutralité de l’Etat est de garantir constitutionnellement à toutes et à tous, comme un droit imprescriptible, d’avoir des convictions, des options de sens, des références et des croyances philosophiques et religieuses... pour autant que soient respectées les lois démocratiquement promulguées.


En Belgique


La situation belge est différente de celle de la France, dans la mesure où, pour reprendre la même terminologie, la constitution garantit les droits-libertés d’une part, mais prévoit explicitement des droits-créances d’autre part pour les cultes et les autres institutions convictionnelles, une fois qu’ils sont reconnus. Il n’est pas inutile de se rappeler en quels termes il est fait explicitement état de ces droits dans la Constitution.


Art. 11 La jouissance des droits et libertés reconnus aux Belges doit être assurée sans discrimination. A cette fin, la loi et le décret garantissent notamment les droits et libertés des minorités idéologiques et philosophiques.


Art. 19 La liberté des cultes, celle de leur exercice public, ainsi que la liberté de manifester ses opinions en toute matière, sont garanties, sauf la répression des délits commis à l’occasion de l’usage de ces libertés.


Art. 20 Nul ne peut être contraint de concourir d’une manière quelconque aux actes et aux cérémonies d’un culte, ni d’en observer les jours de repos.


Art. 21 L’État n’a le droit d’intervenir ni dans la nomination ni dans l’installation des ministres d’un culte quelconque, ni de défendre à ceux-ci de correspondre avec leurs supérieurs, et de publier leurs actes, sauf, en ce dernier cas, la responsabilité ordinaire en matière de presse et de publication. Le mariage civil devra toujours précéder la bénédiction nuptiale, sauf les exceptions à établir par la loi, s’il y a lieu.


Art. 22 Chacun a droit au respect de sa vie privée et familiale, sauf dans les cas et conditions fixés par la loi.


Art. 24


§ 1er. L’enseignement est libre ; toute mesure préventive est interdite ; la répression des délits n’est réglée que par la loi ou le décret. La communauté assure le libre choix des parents. La communauté organise un enseignement qui est neutre. La neutralité implique notamment le respect des conceptions philosophiques, idéologiques ou religieuses des parents et des élèves. Les écoles organisées par les pouvoirs publics offrent, jusqu’à la fin de l’obligation scolaire, le choix entre l’enseignement d’une des religions reconnues et celui de la morale non confessionnelle.


§ 2. Si une communauté, en tant que pouvoir organisateur, veut déléguer des compétences à un ou plusieurs organes autonomes, elle ne le pourra que par décret adopté à la majorité des deux tiers des suffrages exprimés.


§ 3. Chacun a droit à l’enseignement dans le respect des libertés et droits fondamentaux. L’accès à l’enseignement est gratuit jusqu’à la fin de l’obligation scolaire.
Tous les élèves soumis à l’obligation scolaire ont droit, à charge de la communauté, à une éducation morale ou religieuse.


§ 4. Tous les élèves ou étudiants, parents, membres du personnel et établissements d’enseignement sont égaux devant la loi ou le décret. La loi et le décret prennent en compte les différences objectives, notamment les caractéristiques propres à chaque pouvoir organisateur, qui justifient un traitement approprié.


§ 5. L’organisation, la reconnaissance ou le subventionnement de l’enseignement par la communauté sont réglés par la loi ou le décret.


Art. 181


§ 1er. Les traitements et pensions des ministres des cultes sont à la charge de l’État ; les sommes nécessaires pour y faire face sont annuellement portées au budget.


§ 2. Les traitements et pensions des délégués des organisations reconnues par la loi qui offrent une assistance morale selon une conception philosophique non confessionnelle sont à la charge de l’État ; les sommes nécessaires pour y faire face sont annuellement portées au budget.


Ainsi, une fois qu’un culte ou une organisation qui offre une assistance morale selon une conception philosophique non confessionnelle est reconnu - ce qui implique l’établissement d’une législation fédérale spécifique sur les critères de reconnaissance, la détermination des moyens financiers nécessaires, la détermination par l’autorité fédérale de l’organe représentatif et la subsidiation éventuelle du fonctionnement de cet organe -, il est traité selon ces différentes dispositions de la Constitution. La liberté religieuse et philosophique est donc garantie à tous de façon non discriminatoire - droit liberté -, et tout groupe religieux ou philosophique reconnu doit avoir accès aux moyens nécessaires lui permettant de participer à la vie sociale - droit-créance.


Que conclure ?


Le 50e anniversaire de l’Union Européenne, notamment par le biais du discours du 24 mars de Benoît XVI, nous conduit donc, comme association qui se réfère aux valeurs évangéliques, à nous positionner à deux niveaux :

  • celui de notre relation à la notion et la réalité de l’État laïc d’une part ;
  • celui de notre relation aux institutions démocratiques de l’autre. C’est en effet à la croisée de ces deux dimensions de nos sociétés que se confrontent les prétentions des uns et des autres à imprégner le droit des caractères essentiels de leurs convictions.

« Couples et Familles » est attaché à ces deux concepts, dans la conviction qu’ils ne s’opposent pas, mais se complètent. La loi fondamentale de tout État de droit se doit, à notre sens, de garantir la liberté absolue de conscience à toutes les personnes qui habitent, résident ou sont physiquement présentes sur son territoire ainsi qu’à toutes les personnes qui ont la nationalité de cet État, dans toutes les relations qu’elles ont avec lui. Elle n’a pas pour autant à garantir à qui que ce soit n’importe quelle manifestation ou n’importe quel comportement que l’adhésion à une quelconque conviction le conduirait à adopter.Les limites de ce droit d’expression de cette conviction doivent en effet être également imposées à toutes et à tous, par loi fondamentale, à deux niveaux :

  • la liberté de conscience des autres personnes assujetties à cette loi ;
  • le respect de toutes les lois et règlements de cet État, lois et règlements démocratiquement décidés et promulgués, c’est-à-dire, dans le respect des procédures édictées par la loi fondamentale.

Dans cet esprit, le discours de Benoît XVI nous paraît équivoque et problématique, dans la mesure où il ne clarifie pas le niveau de limites des droits d’expression des convictions auquel il se réfère. La liberté absolue de croire au Dieu de Jésus-Christ doit être garantie par la loi fondamentale dont cherche péniblement à se doter l’Union Européenne, comme celle de n’y pas croire ou de croire en tout autre chose. Affirmer cela n’est pas, à nos yeux, nous démarquer de notre foi. C’est, bien au contraire, exiger haut et clair que, ne serions-nous plus que quelques-uns à professer notre foi dans le Christ et dans sa Parole, cette foi devrait être pleinement respectée. Ce n’est pas du « laïcisme » ni du « relativisme » que de réclamer le même respect pour les convictions de tous ceux qui ne partagent pas notre foi. C’est la garantie imprescriptible de notre propre liberté de penser et de croire.


Cette foi et cette conviction que nous partageons avec la Pape Benoît XVI, nous conduit comme lui à promouvoir des valeurs, et nous en partageons vraisemblablement avec lui un très large éventail.. Nos valeurs comme les siennes, que nous les partagions ou non avec lui, sont-elles pour autant universelles et absolues pour toutes les femmes et tous les hommes de toutes les convictions ? Nous ne sommes plus là au niveau de la liberté de conscience et de conviction dans le sens de l’existence, mais dans ses applications, c’est-à-dire dans les attitudes et dans les comportements, qu’à nos yeux de convaincus de la pertinence de notre foi, nous aimerions voir reconnus et respectés par toutes et par tous. En d’autres mots, si nous étions tous à partager la même conviction religieuse ou philosophique, tout le monde se comporterait dans un contexte imprégné d’elle, et nous pourrions peut-être nous en réjouir.


Même alors pourtant, le respect des procédures démocratiques de proposer, de décider, de promulguer, d’exécuter et juger de l’exécution des lois serait impératif. C’est dire que le respect des procédures et du droit démocratiques fait partie intégrante des valeurs que nous défendons et qui ne peut se confondre avec nos aspirations convictionnelles. Nous pouvons les promouvoir et les défendre par l’exercice de nos droits démocratiques, mais nous soustraire aux lois et plus encore inciter à qu’elles ne soient pas respectées ne nous semble pas seulement antidémocratique, mais plus encore extrêmement dangereux en termes de respects de nos propres valeurs par toux ceux qui ne partagent pas nos convictions en montrant les limites du respect que nous avons des leurs.

 

 


[1] Analyse rédigée par Jean Hinnekens, suite au travail d’un groupe de réflexion en collaboration avec Marc Lenders.
[2] Marc Lenders a travaillé pendant des années en lien avec les institutions européennes

 

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